XI
LA MISSION
Bolitho ouvrit les hautes portes du salon et resta là quelques instants sans rien dire.
Catherine se tenait près d’une fenêtre et contemplait la rue, attendant comme lui l’heure inévitable du départ.
Il traversa la pièce, mit les mains sur ses épaules et posa ses lèvres dans ses cheveux.
Elle inclina la tête, se laissa aller contre lui.
— Je ne te t’abandonnerai jamais, Richard. Tu as pu m’aimer à ta guise ces dernières semaines, tu n’avais aucune contrainte. Et je t’en suis reconnaissante – elle se retourna entre ses bras et scruta son visage, prise d’un soudain désespoir : Mais je suis peut-être trop avide, je demande peut-être trop.
Bolitho entendit quelqu’un qui descendait son coffre dans l’escalier. Il se tourna comme elle vers la rue déserte. Les ombres s’allongeaient déjà, un peu plus chaque soir… l’automne arrivait.
— Au moins, je ne cours aucun danger. On m’envoie accomplir une mission – il hésita, il détestait le secret qu’il devait garder : Dans le cas où les choses tourneraient mal, j’ai pris soin de…
Elle pressa sa main contre ses lèvres :
— N’en dis pas plus. Je comprends parfaitement. Si tu ne peux rien me dire, je ne te harcèlerai pas. Mais reviens-moi.
Bolitho la serra dans ses bras. Voilà seulement quelques jours, il avait été convoqué à l’Amirauté. Peut-être le secret était-il nécessaire. Ou bien était-ce une nouvelle manigance pour l’éloigner du pays ? La seconde solution était peu crédible, tout cela demandait de l’organisation, de la confiance. Il devait gagner Douvres – et non pas Portsmouth ou Chatham comme on aurait pu s’y attendre –, puis s’embarquer pour Copenhague. Il avait rendez-vous à Douvres avec quelqu’un qui lui expliquerait le contenu de sa mission.
Comme pour dissiper ses propres doutes, il reprit :
— Je ne serai pas long. Peut-être deux semaines, certainement pas davantage. Et alors…
— Que veux-tu que je fasse ? lui demanda-t-elle en se tournant vers lui.
— Oliver Browne a décidé que cette demeure serait la nôtre aussi longtemps que nous le souhaitons. Sa Seigneurie s’est rendue dans les propriétés que possède sa famille à la Jamaïque – il sourit : J’ai du mal à croire qu’il a été mon aide de camp !
— Et que devient le lieutenant de vaisseau Jenour ? Elle aussi souriait en se souvenant de lui : Il a été de la conspiration et c’est un joyeux compagnon.
— Il est déjà à Douvres où il m’attend.
— Il a plus de chance que moi !
Il la sentit se raidir en entendant des roues cerclées de fer dans la rue, puis la voiture qui s’arrêtait devant la demeure.
— Ozzard restera à ta disposition, Kate, fit précipitamment Bolitho, et Yovell te fournira tous les renseignements que tu désires. Je te laisse à leurs bons soins. Je t’aurais bien proposé Allday, mais…
Elle lui fit un sourire.
— Non. Il ne l’accepterait jamais et, en outre, j’ai besoin que ton chêne soit là pour te protéger.
Les portes s’entrouvrirent et l’un des domestiques annonça :
— La voiture est prête, sir Richard. Votre coffre est chargé.
Les portes se refermèrent en silence. On aurait dit que la maison, la rue même, retenaient leur souffle pendant ces derniers instants fugitifs.
— Viens.
Bolitho passa son bras autour de ses épaules et ils descendirent ensemble dans le hall.
— J’ai encore tant de choses à te dire, tout me viendra aux lèvres dès que nous serons séparés.
Elle se retourna vers l’escalier, elle pensait peut-être à la nuit qu’elle avait passée là-haut dans ses vêtements souillés, pieds nus, après son séjour forcé à la prison de Waites. Peut-être songeait à leur amour, à leurs moments de folle passion. A présent, elle ne devait voir que cet autre homme, l’officier du roi, le devoir qui resterait toujours son rival tant que cela serait possible.
Les deux battants de l’entrée étaient grands ouverts, l’air du soir était glacial. Elle lui serra le bras et lui dit :
— Je suis cause de tant de soucis, alors que je désirerais tellement ne pas te faire de mal. J’ai même réussi à m’interposer entre tes amis et toi, et tout cela, à cause de notre amour !
Bolitho la serra dans ses bras. Il savait plus ou moins confusément qu’elle avait deviné ou compris ce qu’il s’était passé ce jour-là à l’Amirauté, avec Herrick.
— Bien ne peut nous séparer, lui répondit-il.
Il jeta un œil dans la rue, les lumières des maisons se reflétaient déjà sur la carrosserie de la voiture.
— Sauf, compléta-t-il, ce que je dois faire.
Il avait eu le temps de noter que la voiture ne portait pas d’armes ni aucun signe particulier. Quelqu’un tenait vraiment à préserver le secret.
L’un des chevaux se mit à piaffer d’impatience, le cocher lui murmura quelques mots pour le calmer. Derrière les roues arrières, Bolitho aperçut la silhouette massive d’Allday qui l’attendait, comme il l’avait fait tant de fois.
— J’ai écrit à Val Keen, reprit Bolitho. C’est tout ce que je puis faire. Si tu restes ici jusqu’à mon retour, il n’est pas impossible qu’il passe te voir.
— Cela t’inquiète toujours ?
— Oui – il eut un sourire distant : La guerre fait rage autour de nous et, pendant ce temps, nous poursuivons nos petites querelles. Je crois que ma vraie faiblesse a toujours été là.
Elle hocha la tête.
— La force. J’ai entendu des gens parler de toi comme d’un homme de guerre, et pourtant, je n’ai jamais connu pareille paix qu’avec toi.
Il lui entoura les épaules de son manteau de mer et ils descendirent les marches, puis il se baissa pour ramasser une feuille morte qui était venue s’échouer contre sa chaussure.
Lorsqu’elle se tourna vers lui, ses yeux étaient à la fois sombres et brillants.
— Tu te souviens de cette feuille de lierre que je t’ai envoyée, de notre maison ?
— Je l’ai gardée.
— Et maintenant, celle-ci est le messager de l’hiver qui arrive. Le Ciel fasse que nous ne soyons pas séparés trop longtemps – elle parlait vite, comme si elle craignait qu’il l’interrompît : Je sais que je l’ai promis, je t’ai juré que je serais courageuse, mais je venais seulement de te retrouver.
— Personne n’est plus courageux que toi, Kate, lui dit-il doucement.
Il fallait absolument qu’il parte, et le plus vite serait le mieux, pour leur bien à tous deux.
— Embrasse-moi.
Il sentit sa bouche se fondre en lui comme si elle voulait le retenir pour toujours. Puis ils se séparèrent, Allday avait ouvert la portière et attendait, chapeau bas.
Elle lui tendit le manteau de Bolitho et resta, très droite, sur la dernière marche, silhouette éclairée en contre-jour par les chandeliers du hall. Elle dit à Allday :
— Je vous le demande encore une fois, monsieur Allday, protégez-le bien !
Allday se força à sourire, mais il partageait sa tristesse.
— On s’ra rentré avant que vous l’appreniez, milady.
Et il fit le tour de la voiture pour que Bolitho puisse la voir par la fenêtre.
— Mon cœur est à toi, Kate chérie ! lui dit Bolitho.
Il aurait voulu en dire plus, mais on avait desserré les freins. Le fouet du cocher siffla et ses derniers mots se perdirent dans le fracas des roues et le claquement des harnachements.
La voiture avait déjà disparu depuis un certain temps lorsque Catherine se décida à bouger et à rentrer dans la maison, indifférente au froid. Comme celle-ci lui semblait vide et hostile sans lui !
Elle avait envisagé de retourner à Falmouth, mais quelque chose, une modification imperceptible du ton de sa voix, l’avait convaincue que sa place était ici. Cette fois-ci, allait-il seulement faire un bref voyage ? Elle pensait à son coffre de mer, aux jolies chemises neuves qu’elle l’avait obligé à acheter à Londres. Elle sourit en revivant ces souvenirs. Son Londres. De toute évidence, il n’avait pas emporté suffisamment d’affaires s’il s’agissait d’une longue absence.
Elle trouva Yovell qui l’attendait pour recevoir ses ordres.
— Pourquoi lui, monsieur Yovell ? Pouvez-vous m’expliquer cela ? Il n’y a donc pas de limite à ce qu’ils ont le droit d’exiger ?
Yovell déchaussa ses fines lunettes cerclées d’or et entreprit de les essuyer vigoureusement avec son mouchoir.
— C’est parce qu’il est en général le seul capable d’assumer la tâche, milady – il lui sourit en remettant ses lunettes en place : Et cette fois-ci, même moi, je ne sais pas ce qu’il va faire !
Elle le regardait, l’air fier.
— Voudriez-vous souper avec moi ce soir, monsieur Yovell ? Vous m’honoreriez.
Il la regarda, gêné, essayant de ne pas trop faire attention à ses cheveux, à cette façon qu’elle avait de lever le menton, à cette présence.
— Ce serait un grand privilège, milady.
Elle se dirigea vers l’escalier.
— Mais il y a une condition, monsieur Yovell. Je veux que vous me disiez tout ce que savez sur l’homme que j’aime, et pas seulement que vous me racontiez sa vie.
Yovell était bien content qu’elle ne l’eût pas pressé davantage. Cette franchise, cet air de défi que l’on lisait dans ses yeux, voilà quelque chose qu’il n’avait encore jamais connu.
Il ôta ses limettes et se mit en devoir de les essuyer une fois de plus.
Et elle lui faisait confiance. Cette femme qui avait fait naître tant de ragots et de mensonges, mais qui savait parler avec autant de ferveur de son amour, n’aurait pas pu faire plus grand honneur à ce rondouillard de David Yovell, écrivain de son état.
Il était quatre heures du matin lorsque, tout courbaturé et fourbu de son voyage mené à grandes guides, Bolitho était enfin descendu de sa voiture et avait senti le goût du sel.
Il faisait noir comme dans un four. Suivi d’Allday et de deux marins qui l’attendaient pour prendre son coffre, il s’était dirigé vers l’entrée du poste de garde. Il leva les yeux vers le ciel couvert de nuages bas, on distinguait à peine la silhouette massive du château. On aurait pu aisément le confondre avec une chaîne rocheuse, une montagne de la Table en miniature.
Il entendit Allday qui toussait, avant d’étouffer le bruit de sa main. Son maître d’hôtel était sans doute heureux d’arriver à bon port et en un seul morceau. Dieu soit loué, la route de Douvres était déserte, car le cocher avait mené un train d’enfer. Bolitho avait l’impression qu’il était habitué à ce genre de choses.
— Halte ! Qui va là ?
Bolitho dégagea un peu son manteau pour laisser apparaître une épaulette et s’avança dans le cercle de lumière de la lanterne.
Il entendit la voix si familière de Jenour et aperçut son pantalon blanc comme il accourait à sa rencontre.
— Bravo, sir Richard ! Mais on dirait que vous avez des ailes !
Bolitho lui serra la main. Elle était glacée, tout comme la sienne, et il se souvint de ce que lui avait dit Catherine, sur l’hiver qui arrivait.
— Ce salopard a manqué réussir ce que ni les Espagnols ni les Grenouilles n’ont jamais réussi à me faire, et ils ont pourtant essayé !
L’officier de garde s’approcha et vint les saluer :
— Bienvenue à Douvres, sir Richard.
En dépit de l’obscurité, Bolitho percevait chez lui comme une certaine curiosité, mais mâtinée de respect.
Bolitho n’avait jamais aimé Douvres. Il avait du mal à oublier les mois qu’il y avait passés en attendant que la guerre éclate. A quand cela remontait-il déjà ? Treize ans ? Cela semblait impossible. Il était alors sans emploi, encore affaibli par la fièvre qui l’avait si cruellement atteint dans les mers du Sud et avait failli le tuer. Il y avait trop de capitaines et pas assez de vaisseaux. C’était un temps de paix, on avait beaucoup désarmé et la flotte avait été réduite à sa plus simple expression. De bons bâtiments pourrissaient, on avait renvoyé les marins qui se retrouvaient à terre, sans pouvoir trouver de travail.
Bolitho en gardait de l’amertume. Cela lui rappelait la chanson de marin :
A présent, c’est gosier sec et ventre creux,
Qu’y nous laissent dès qu’y craignent guère…
Les choses recommenceraient-elles lorsque cette guerre, enfin gagnée, serait entrée dans l’histoire ?
A cette époque-là, il désirait un bâtiment, plus que tout au monde. Oublier ce qu’il avait vécu dans les mers du Sud, commencer une nouvelle vie à bord d’une frégate qui aurait ressemblé à La Tempête. Et au lieu de cela, on lui avait confié une mission ingrate, le recrutement dans les villes du Nord et de la Medway, ainsi que la chasse aux déserteurs qui avait fui la marine pour le métier plus rude mais lucratif de contrebandier.
Ses activités l’appelaient de temps à autre à Douvres, pour assister à la pendaison d’un contrebandier ou pour faire le bras de fer avec les autorités, notables qui travaillaient main dans la main avec les Frères, comme on les appelait. Mais le couperet de la guillotine tombé sur le cou du roi de France avait tout changé du jour au lendemain. En guise de frégate, on lui avait donné le vieil Hypérion qui semblait lui avoir été destiné de toute éternité. Et à présent, comme tant de visages si familiers, il gisait par le fond.
Il reprit enfin ses esprits et vit que les autres l’attendaient.
— Quel bâtiment ?
L’officier commença à bredouiller une vague excuse :
— J’ai reçu l’ordre de…
— Ne me faites pas perdre mon temps ! coupa sèchement Bolitho.
— Il est à l’ancre, sir Richard. Le Truculent, capitaine de vaisseau Poland.
Il semblait anéanti.
Bolitho soupira. C’était comme dans une famille. Ou bien l’on perdait définitivement contact, ou bien des vaisseaux réapparaissaient périodiquement. Il savait que La Fringante et le Truculent avaient été affectés à l’escadre de la mer du Nord et se placeraient sous ses ordres dès que le Prince Noir aurait achevé de prendre armement. Il chassa l’inquiétude qui le taraudait lorsqu’il pensait au silence incompréhensible de Keen et demanda :
— Un canot m’attend-il ?
— Euh, eh bien oui, sir Richard.
Jenour réprima un sourire. L’enseigne prit la tête, un fanal à la main. C’était une lanterne sourde, comme si les quais grouillaient d’espions et d’agents français. Bolitho marchait d’un bon pas, il était heureux de retrouver Jenour. Un Jenour qui avait bien profité de sa liberté : il avait passé tout ce temps à Southampton chez ses parents et pourtant, lorsqu’un courrier était venu lui apporter ses ordres, il en avait été comme soulagé, en oubliant même l’appréhension qu’auraient pu lui inspirer ses dernières aventures.
Ils entendirent des pas sourds sur les pavés et lorsqu’ils tournèrent au coin de quelques dépôts de vivres, la brise de mer les accueillit comme pour leur souhaiter la bienvenue.
Bolitho s’arrêta au bout du quai et contempla, au-delà des bâtiments amarrés là, les ombres incertaines que faisaient gréements et voiles ferlées, les fanaux de mouillage des vaisseaux à l’ancre. Lorsqu’il était en mer, il y songeait rarement, mais ici, sur ces pavés mouillés que l’on distinguerait bientôt dans l’aube naissante, il ressentait quelque chose d’étrange, d’énervant. Plus loin dans la nuit, à moins de vingt milles, c’étaient les côtes ennemies. A bord d’un bâtiment de guerre, on peut se battre ou fuir selon l’inspiration du moment. Mais sur ces côtes, défendues par des canonnières, des hérissons immergés ou la milice, les gens n’avaient pas le choix. Plus que quiconque, ils devaient bénir le ciel de se savoir protégés par les escadres de blocus qui croisaient jour et nuit, qu’il pleuve ou qu’il vente, afin de boucler l’ennemi dans ses ports.
— Le canot est paré, sir Richard.
— Comment est la marée ? demanda Bolitho à l’officier de garde.
L’homme paraissait tout pâle dans cette faible lumière, ou bien était-ce son imagination ?
— La mer sera basse dans deux heures, sir Richard.
— Parfait.
Cela signifiait qu’ils pourraient appareiller sans tarder. Mais qui donc allait lui fournir les détails dont il avait besoin ? Puis se radoucissant un peu :
— Vous faites bonne garde, monsieur. Cela vaut mieux, dans un port comme celui-ci !
Et il se laissa descendre dans le canot, s’étonna même de se retrouver dans un cadre familier. Il reconnut immédiatement l’enseigne de vaisseau chargé de le conduire à bord.
— Je suppose que vous ne vous attendiez pas à me revoir si tôt, monsieur Munro ?
Jenour observait la scène, comme pour la décrire à ses parents. L’officier du Truculent était rouge de plaisir. S’il avait fait jour, Jenour était certain qu’il l’aurait vu s’empourprer. C’était bien peu de chose, mais Bolitho donnait le sentiment de ne jamais rien oublier, d’attacher toujours la plus haute importance aux contacts avec des hommes qui le payeraient de retour lorsqu’il aurait besoin d’eux.
Il fut pris d’un frisson, en dépit de son gros manteau. Tout se passait exactement comme dans ses vieux livres d’histoire. Une mission secrète. Jenour n’était pas naïf au point de ne pas saisir, au-delà de l’excitation, que le danger et la mort pouvaient se trouver au bout de l’aventure. Il en avait vu de toutes les couleurs, depuis qu’il connaissait Bolitho, mais restait aussi étonné de ne pas avoir craqué. Plus tard peut-être ? Il chassa cette pensée et fit :
— Je le vois, sir Richard.
Bolitho se retourna et remonta le col de son manteau. Les embruns soulevés par les pales jaillissaient par-dessus le plat-bord et effaçaient sa lassitude.
Il devinait facilement ce à quoi pensait Jenour. Mais sa mission, quelle qu’en fût la nature exacte, faisait peut-être déjà l’objet de tous les bavardages dans les postes comme au carré.
Il aperçut enfin les mâts qui oscillaient et tranchaient sur les nuages. On distinguait maintenant les divers bruits du bord, s’amplifiant comme pour les accueillir. On pouvait entendre des ordres criés, portés jusqu’à eux par la brise, et les trilles des sifflets. Des hommes cherchaient leur chemin dans les entreponts ou se risquaient précautionneusement sur les vergues traîtresses et dans les enfléchures, rendues glissantes par les embruns. Il n’y avait pas de place ici pour les novices. Et pourtant, songeait Bolitho, il y en avait un certain nombre à bord. Un homme se mit à hurler de terreur, cri bientôt coupé net par un bon coup de garcette. Le commandant Poland avait sans doute mis à terre un détachement de presse et l’avait envoyé assez loin du port. Ou bien encore, le major général lui avait-il fourni quelques terriens détenus à bord du ponton. Pour eux tous, un long et pénible apprentissage allait commencer.
Il repensa à Catherine, à tout ce qu’ils avaient fait ensemble, à tout ce qu’ils s’étaient mutuellement donné et, pourtant, le temps leur avait manqué. Il n’avait pas réussi à trouver le collier qu’il souhaitait lui offrir pour mettre en valeur son cou si ravissant. Ils n’étaient pas non plus allés voir le chirurgien, Sir Piers Blachford. Il avait pensé plusieurs fois à sa fille, Elizabeth, elle devait avoir quatre ans. La dernière fois qu’il l’avait vue, c’était lors de cette entrevue orageuse avec Belinda. Elle était passée près de lui en lui accordant à peine un regard. Elle ne ressemblait plus alors à une enfant, non, plutôt à une poupée enveloppée dans de la soie, à un objet. Il lui fallait attendre.
— Ohé du canot ?
Des silhouettes s’agitaient dans la lumière près de la coupée.
Avant que le patron eût eu le temps de répondre à cet appel immémorial, Allday avait mis ses mains en porte-voix et criait :
— Amiral ! Truculent !
Bolitho imaginait la nervosité qui devait régner à bord. Cela faisait sans doute des heures qu’ils attendaient, qu’ils s’interrogeaient. Personne ne pouvait savoir à quelle heure sa voiture arriverait de Londres. Mais il était une chose qui ne laissait pas place au doute : le capitaine de vaisseau Poland avait certainement mis tout son monde en alerte pour être prêt à l’accueillir, même s’il leur avait fallu attendre une journée de plus !
Le brigadier crocha adroitement dans le porte-hauban, tandis que les nageurs faisaient leur possible pour maîtriser les mouvements désordonnés du canot pris dans le courant.
Bolitho escalada la coupée et trouva Poland qui l’attendait pour lui présenter ses officiers, même à cette heure incongrue. Comme il s’y attendait, ils avaient tous revêtu leurs plus beaux uniformes.
Il serra la main de Poland et lui dit :
— Je vois que je dois vous présenter toutes mes félicitations, commandant.
Poland sourit, l’air modeste. Le fanal qui dansait éclairait une paire d’épaulettes.
— Et je dois vous remercier, sir Richard, répondit-il. Je ne vous en serai jamais assez reconnaissant. On m’a dit que cette promotion était largement due à ce que contenait votre rapport.
Bolitho regarda le canot que l’on hissait à bord par-dessus les filets avant de l’affaler dans son chantier avec les autres. Il régnait une atmosphère de mystère, d’urgence qu’il avait souvent connue lorsqu’il était jeune capitaine de frégate.
— Cette fois-ci, ce sera légèrement différent de notre équipée sur les côtes africaines.
Poland hésitait, comme s’il essayait de déjouer un piège. Puis :
— Je connais notre destination, sir Richard, mais, Dieu m’en est témoin, c’est tout ce que je sais.
Bolitho lui prit le bras et le sentit se raidir aussitôt. Pauvre Poland, il était comme tant d’autres. Il avait cru que ce grade de capitaine de vaisseau confirmé lui épargnerait désormais l’incertitude et le hisserait sur un sommet d’où personne ne pourrait le jeter bas. Bolitho sourit intérieurement : l’expérience lui avait appris que les choses se passaient différemment. Avec ces épaulettes, les responsabilités devenaient deux fois plus grandes. Comme j’ai pu le constater moi-même en mainte occasion.
Poland jeta un regard furtif à son second qui s’agitait à proximité.
— Faites armer le cabestan, monsieur Williams. Nous appareillerons avec la marée, sans quoi il faudra me fournir quelques explications !
Et à Bolitho :
— Si vous voulez bien venir à l’arrière avec moi, sir Richard, nous avons là un gentilhomme qui a pris passage à bord.
Le bâtiment s’animait, résonnant de tous ces bruits qui accompagnent les préparatifs d’appareillage. Bolitho pénétra dans la chambre de poupe, celle-là même où il avait si souvent abrité sa solitude. La première chose qu’il aperçut fut une perruque bouclée posée sur son support près d’un coffre grand ouvert. La seconde, un homme qui marchait d’un pas hésitant dans l’ombre entre les fenêtres de poupe. Visiblement, ses jambes ne s’étaient pas encore accoutumées aux mouvements inconfortables d’un navire impatient de rompre les derniers liens qui le retiennent à la terre.
Il était vieux, ou du moins, paraissait tel, peut-être davantage ainsi, un peu courbé à la lueur des fanaux qui tournoyaient. La soixantaine à première vue, presque complètement chauve, si bien que son catogan à l’ancienne mode pendait sur son col comme un cordage en queue de vache.
Il inclina la tête et observa Bolitho, comme un oiseau qui guette sa proie.
— La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, sir Richard, c’était il y a bien longtemps et bien loin d’ici.
Bolitho serra ses mains entre les siennes.
— Mais bien sûr, je m’en souviens, Sir Charles Inskip ! Vous avez guidé mes premiers pas lorsque je mettais à mal notre diplomatie… c’était déjà à Copenhague !
Ils se regardaient l’un l’autre, les mains toujours serrées. Les souvenirs refaisaient surface. Bolitho avait été envoyé à Copenhague pour participer aux négociations avec les Danois, après que Napoléon eut exigé d’eux qu’ils remissent leur flotte aux amiraux français. Les négociations avaient échoué, ce qui avait déclenché la bataille de Copenhague au cours de laquelle Nelson, désobéissant aux ordres de son amiral, avait mené seul le combat. Que de souvenirs… Keen commandait l’un des vaisseaux, Herrick était capitaine de pavillon de Bolitho à bord du Benbow, devenu depuis son navire amiral. Ainsi va la vie, ainsi sont faits les tours et détours de la marine.
Cela avait été une bataille sanglante, entre deux pays qui n’avaient rien l’un contre l’autre, mais qui craignaient tous deux de voir les Français leur mettre la main dessus.
Inskip esquissa un sourire.
— Tout comme vous, Sir Richard, on a bien voulu m’honorer. Sir Charles, grâce au bon plaisir de Sa Majesté.
Ils éclatèrent tous deux de rire. Bolitho reprit :
— Une dépense assez considérable !
Il se garda d’ajouter que le roi avait oublié son nom à l’instant de l’adouber.
Les cris redoublaient sur le pont, puis ce fut le fracas de tonnerre de la toile libérée. Ils n’entendirent pas le compte rendu réglementaire « Haute et claire ! », mais Bolitho écarta légèrement les jambes en sentant le Truculent répondre comme un étalon libéré de ses entraves et qui n’obéissait plus désormais qu’aux ordres précis de son commandant.
Inskip le regardait, l’air pensif.
— Cela vous manque toujours, n’est-ce pas ? Etre là-haut avec vos hommes, mesurer vos compétences face à la mer ? Je le lis dans vos yeux, comme je le lisais voilà six ans devant Copenhague.
Il s’approcha prudemment d’un siège comme un garçon entrait avec quelques verres sur un plateau.
— Bon, nous y retournons, sir Richard – et avec un soupir, il tapota ses poches : Dans la première, j’ai mis la carotte et dans la seconde, le bâton. Mais asseyez-vous donc, que je vous raconte ce que nous allons faire là-bas.
Il se tut brusquement et mit sa main devant sa bouche.
— J’ai bien peur d’être resté trop longtemps et confortablement à Londres. Mon estomac fait encore des siennes !
Bolitho observait le garçon, son air inexpressif – un domestique d’Inskip – qui éprouvait visiblement quelques difficultés à remplir les verres. Mais il pensait aussi à Catherine, au Londres qu’elle lui avait fait découvrir. Un enchantement. Pas tout à fait celui que Inskip regrettait alors que la terre disparaissait sur leur arrière.
Il se pencha en avant et sentit l’éventail contre sa cuisse.
— Je vous écoute, sir Charles, encore que je ne voie guère quel rôle je puis bien jouer.
Inskip mira son verre à la lumière et hocha la tête, satisfait. Il était probablement l’un des plus anciens diplomates affectés au département des affaires Scandinaves, mais, en ce moment, il ressemblait davantage à quelque instituteur de campagne.
— Nelson est mort, hélas, mais les Danois vous connaissent. Ce n’est pas grand-chose, mais ainsi que je vais vous l’expliquer, nous n’avions guère le choix. Ils sont intelligents, à Copenhague, mais nombreux sont ceux qui penchent pour un compromis, autre façon de dire : se rendre. L’armée de Napoléon est à leurs frontières.
Bolitho jeta un coup d’œil au galon doré sur sa manche. Que de souvenirs…
Bolitho se tenait sur la dunette du Truculent, du bord au vent et essayait de voir quelque chose aux premières lueurs grisâtres du matin. Le vaisseau s’élevait avant de replonger dans une mer assez agitée de travers. Des embruns et parfois même de grandes gerbes jaillissaient par-dessus les ponts, et se brisaient dans le gréement où des marins se démenaient en jurant et en pestant pour tout garder en ordre et convenablement bordé.
Le capitaine de vaisseau Poland s’approcha de lui tant bien que mal sur le pont glissant. Son ciré dégoulinant d’eau volait autour de lui.
Il cria au-dessus du vacarme :
— Nous devrions apercevoir les détroits dès qu’il fera jour, sir Richard !
Il avait les yeux rougis de fatigue et de manque de sommeil et il avait abandonné ses manières d’ordinaire si réservées.
Bolitho savait que la traversée depuis Douvres avait été pour lui longue et épuisante. Pas de grandes étendues océaniques, de ces nuages bienveillants et de ces vents bien établis avant l’arrivée sous la montagne de la Table pour marquer la fin de la traversée. Le Truculent avait dévalé la Manche avant de continuer cap au nordet pour traverser la mer du Nord en direction des côtes du Danemark. Ils n’avaient pas vu grand monde à l’exception d’une goélette anglaise puis d’une petite frégate qui avait échangé quelques signaux de reconnaissance avant de disparaître sous un fort grain. La navigation réclamait une attention constante, surtout lorsqu’ils avaient infléchi leur route pour se diriger vers le Skagerrak et enfin vers le sud, au près serré, si serré que les sabords sous le vent étaient restés dans l’eau le plus clair du temps. Il ne faisait pas seulement froid, il faisait un froid mordant et Bolitho se souvenait constamment de la grande bataille contre les Danois à Copenhague, lorsque Nelson avait transféré sa marque sur L’Eléphant, un soixante-quatorze de tonnage plus modeste que son propre vaisseau amiral, afin de pouvoir passer dans les détroits tout près de côte et d’éviter ainsi les batteries ennemies jusqu’à l’empoignade finale.
Bolitho songeait aussi à la célèbre formule inventée par Browne à propos de ses commandants : Nous les Heureux Élus. Mais cette pensée le rendait triste, à présent. Tant d’entre eux avaient disparu et on ne s’en souvenait que lors de traversées comme celle-ci. Le Truculent suivait la même route. Le capitaine de vaisseau Keverne, de L’Indomptable, Rowley Peel et sa jolie frégate, L’Infatigable, Veitch et son humble Vigie, et tant d’autres encore. Parmi les Elus de Browne, bien d’autres encore allaient tomber au cours des mois et des années qui allaient suivre. Des amis solides comme Francis Inch et le brave John Neale, d’abord aspirant sous les ordres de Bolitho à bord de la Phalarope puis capitaine de vaisseau, mort lorsqu’ils avaient été faits prisonniers par les Français après la perte de sa frégate, le Styx. Bolitho et Allday avaient fait tout ce qu’ils avaient pu pour le sauver et pour adoucir son agonie. Il avait pourtant rejoint les autres, là où plus rien ne pouvait désormais l’atteindre.
Bolitho se mit à frissonner dans son manteau de mer.
— Une traversée difficile, commandant.
Les yeux rougis, Poland le regardait avec une certaine méfiance, comme s’il cherchait quelque critique insidieuse derrière cette simple remarque. Puis Bolitho s’imagina Catherine telle qu’il l’avait vue la dernière fois. Elle aussi devait rêvasser en l’attendant. Attente qui risquait d’être plus longue qu’il ne l’avait promis. Une semaine serait déjà passée avant que le Truculent jetât l’ancre. Il ajouta :
— Je descends. Appelez-moi si vous voyez quoi que ce soit d’intéressant.
Poland laissa échapper un soupir en voyant Bolitho disparaître dans la descente. Il appela sèchement son second :
— Monsieur Williams ! Relevez les vigies, je vous prie. Je veux être prévenu dès qu’elles apercevront la terre !
Le second salua en effleurant le bord de son chapeau ruisselant. Quels que fussent les soucis du commandant, il trouvait toujours le moyen de glisser une petite pique en guise d’encouragement.
En bas, sous la dunette, tout paraissait soudain plus calme après les gifles de ce vent mordant et des embruns. Bolitho se dirigea vers l’arrière, dépassa le factionnaire et entra dans la chambre. Tout était froid et humide ; les bancs sous les fenêtres étaient tachés de moisissures comme si on les avait laissés dehors sur le pont.
Sir Charles Inskip était assis à la table, le menton posé dans une main, tandis que son secrétaire, un certain Patrick Agnew, lui remettait l’un après l’autre des documents qu’il examinait à la lumière d’une lanterne qu’il tenait au-dessus d’eux.
Inskip leva les yeux lorsque Bolitho vint s’asseoir à son tour et attendit de voir arriver Allday avec son rasoir et l’eau chaude qu’il était allé chercher à la cambuse.
— Ce navire ne s’arrêtera donc jamais de remuer ?
Bolitho s’étira les bras, il avait mal d’avoir dû s’accrocher sans arrêt à un support ou à un autre, en essayant de rester à l’écart des hommes de quart qui s’activaient autour de lui.
— Jetez un coup d’œil à la carte, lui répondit-il. Nous pénétrons dans les détroits, là où j’ai tracé cette marque hier. Nous pourrions apercevoir maintenant Elseneur…
— Hmmm. C’est ici que nous devrions retrouver le bâtiment d’escorte danois.
Mais Inskip n’avait pas l’air trop sûr de lui.
— Ensuite, nous serons entièrement entre leurs mains – il jeta un coup d’œil à son secrétaire : Mais pas trop longtemps je crois, monsieur Agnew ?
Ils levèrent ensemble les yeux en entendant un cri par la claire-voie pourtant soigneusement fermée, puis le bruit se perdit dans le vent.
— Que se passe-t-il ?
Comme d’habitude, Inskip s’était tourné vers Bolitho.
— Vous avez entendu ?
— La terre, répondit en souriant Bolitho.
Allday arriva de la chambre à coucher et posa son bol fumant sur une chaise avant de repasser soigneusement son terrible rasoir. Inskip appela son domestique et lui ordonna de lui apporter son gros manteau.
— Nous ferions mieux de monter sur le pont.
Allday mit une serviette autour du cou de Bolitho, il avait été à deux doigts de lui faire un clin d’œil. Poland allait s’assurer par deux fois qu’ils avaient bien atterri à l’endroit prévu avant de rendre compte à son amiral.
Bolitho ferma les yeux en attendant qu’Allday se mît à l’œuvre.
Comme le premier café un peu fort de chaque nouveau jour, c’était l’instant dont il profitait pour réfléchir et méditer.
Allday resta le rasoir en l’air et attendit que le pont se fût stabilisé un peu. Il ne s’était toujours pas fait à la nouvelle coupe de cheveux de Bolitho, mais elle plaisait visiblement à sa dame. Il sourit intérieurement en se rappelant son bonheur lorsque, farfouillant dans le sac qu’il avait apporté de Falmouth, il en avait sorti un petit paquet. Il s’entendait encore, il lui avait dit à voix basse : « Désolé pour cette odeur de tabac, m’dame. C’est tout ce que j’ai trouvé pour vous le rapporter sans qu’il le voie, si j’ose dire ! »
Sa réaction l’avait étonné, ce bonheur immense dans ses yeux sombres, Allday savait que cela voulait tout dire.
Il avait réussi à sauver la plus grosse partie du catogan lorsque Bolitho avait tant insisté pour le faire couper. Depuis qu’il avait vu la tête qu’elle avait faite, il était heureux.
Le commandant Poland entra dans la chambre juste au moment où Allday refermait son rasoir.
— Nous sommes en vue d’Elseneur, sir Richard.
Et il attendit la suite. Une petite flaque se formait sous ses chaussures.
— Je monte tout de suite, commandant – et lui faisant un sourire : Bien joué.
La porte se referma, Bolitho laissa Allday lui passer sa vareuse. Ce n’était qu’un simple compliment et, pourtant, Poland s’était renfrogné. Quand on le convierait à passer les portes du Paradis, songea-t-il, il irait encore chercher une raison d’hésiter. La vigie héla une nouvelle fois.
Bolitho leva les yeux vers la claire-voie constellée de sel.
— Cette malheureuse vigie doit être gelée jusqu’aux os !
— Vous faites pas de souci.
Allday fit la grimace. Il ne connaissait pas beaucoup de commandants qui se seraient inquiétés d’un matelot isolé sur son perchoir. Alors, un vice-amiral…
La porte s’ouvrit toute grande, Inskip et son secrétaire firent irruption dans la chambre. Ils ouvrirent fébrilement leurs coffres, appelèrent leur domestique, en essayant de retrouver ce qu’ils devaient se mettre sur le dos.
— Un bâtiment, sir Richard, fit précipitamment Inskip, c’est sans doute l’escorte danoise.
Bolitho entendit le grondement d’affûts que l’on libérait de leurs saisines avant de charger les pièces. C’était bien du Poland : au cas que…
— Dans ce cas, nous ferions mieux d’aller nous en occuper – il esquissa un sourire : Quel que soit réellement ce bâtiment !
— Un instant, sir Richard.
Allday retira un fil de la vareuse de cérémonie de Bolitho. Le petit Ozzard l’aurait tout de suite vu. Puis, se reculant un peu, il lui fit un signe de tête satisfait. Les galons dorés éclatants, la médaille d’Aboukir qu’il portait toujours avec tant de fierté, et le vieux sabre. Comme celui que l’on voyait sur les portraits, se dit-il. Pas étonnant qu’elle l’aimât comme elle l’aimait. Qui aurait pu résister ? Il lâcha enfin de sa grosse voix :
— Pas moyen de faire mieux, sir Richard, et c’est moi qui vous l’dis !
Bolitho le regardait, pensif.
— Dans ce cas, nous faisons une belle pane à nous deux, mon vieux.
Il s’écarta pour laisser passer le domestique d’Inskip qui tenait une chemise sale.
— Eh bien, allons-y !